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HISTOIRE DE LA DENTELLE BAILLEULOISE

Ecole dentellière avant 1918 - ©ArchivesBailleul

La dentelle tire son origine de la passementerie. Au 16e siècle, la dentelle (tissu à « petites dents ») est nommée pour la première fois dans des écrits. Elle connaît ses premières heures de gloire en Italie, en Flandre et dans les cours européennes. Elle est d'abord un attribut du costume masculin. Puis, elle apparaît dans l'inventaire de la dot de la sœur de François Ier. En France au 17e siècle, c'est Colbert qui impulse la création de la dentelle en créant des manufactures royales qu'il soutient par des droits de douane prohibitifs concernant l'importation de dentelles. En Haute-Loire et le Nord, la tradition de la dentelle manuelle aux fuseaux y est déjà un savoir-faire ancestral et le lin étant cultivé dans notre région, la dentelle s'y implante naturellement.

Bordure de dentelle "torchon" ©VilleDeBailleul

La dentelle fit la richesse et la renommée de Bailleul : sa présence y est d'ailleurs confirmée dès le 17e siècle. Le règlement de l'école des pauvres fondée par Anne Swynghedauw le 31 juillet 1664 l'atteste.

À l'aube de la Révolution, Bailleul fabrique annuellement 7 000 pièces de dentelle d'une longueur moyenne de 8m52. La clientèle est composée de bourgeois.

La dentelle devient un commerce considérable. On en fabrique de toutes qualités, principalement celle connue sous le nom de fausse Valenciennes, autrement dit « la torchon ». Suit une liste de quelques fabricants : Baelde aîné, Beaurepaire, De la croix fils, Flahault Soeurs, Mlle Flahault, Cécile Joys, Neuville, Striepaert, Top.

Facture dentelle Lamérant-Béhague FJS ©ArchivesVilleDeBailleul

Jusqu'au début du 19e siècle, l'industrie de la dentelle est très florissante et occupe alors environ 1500 dentellières qui travaillent à domicile, tout en éduquant leurs enfants. Ce travail leur permettait d’apporter un complément de salaire non négligeable au foyer.

En 1851, près de 8 000 dentellières vivent de cet artisanat et travaillent dans leur foyers ou s'installent sur leur pas de porte pour s'encourager les unes les autres.

Euphrasie Roelandt maitresse dentellière ©ArchivesVilleDeBailleul

En 1856, passionnée et très habile avec les fuseaux, Euphrasie Roelant fonde sa propre école qui fonctionne jusqu'à la guerre 1914-18. Son principe de gestion est simple : un mécène pour patronner l'institution et une participation mensuelle payée par l'élève. Chaque apprentie est propriétaire de son carreau, de ses fuseaux, de son fil et de la dentelle qu'elle réalise.

 

En 1860, situées dans les rue de Lille, des Sœurs-Noires, des foulons, du Musée-De-Puydt, huit écoles fleurissent, permettant de transmettre à près de cinquante à cent apprenties chacune, l'enseignement de ce savoir-faire : l'on y apprenait simultanément l'art de manier les lettres de l'alphabet et les fuseaux !

En 1870, Napoléon III aurait accordé une subvention de 2000 francs pour encourager cet enseignement...

 

Après 1870, va s'amorcer le déclin de cet artisanat. Plusieurs facteurs en sont la cause : changements de mode, concurrence belge, développement de la production mécanique à Caudry et Saint Pierre les Calais. Cependant, dans les dix années qui suivent, la situation est encore très satisfaisante avec trois fabricants : Venière, Perrier et Huyghe.

En 1879, l'école dominicale fonctionne avec un bel effectif : dirigée par les filles de l'Enfant-Jésus, elle reçoit plus de 600 jeunes filles faisant de la dentelle et suivant les leçons une heure par jour.

 

Cependant, en 1883, la loi Jules Ferry obligeant les enfants à aller à l'école toute la journée, ne subsistent alors que quatre ateliers pour 200 élèves. Installée dans la grande demeure attenant à l'église Saint-Amand, l'école dominicale s'oriente de plus en plus dans la formation de couturières, de brodeuses et de corsetières pour devenir ce que l'on va appeler l'ouvroir.

A la fin du XIXe siècle, le développement des usines de tissage détournent de nombreuses dentellières de leurs carreaux : elles tentent de vivre plus dignement en allant à l'usine. L‘art de la dentelle rémunérateur, demandant du temps et de la précision, peut difficilement concurrencer la machine et disparaît peu à peu.

 

Elle ressuscite cependant durant la guerre 1914-18 grâce aux officiers britanniques qui sont séduits par cet art si délicat. En effet, après avoir été envahie en octobre 1914 par la cavalerie allemande, la ville de Bailleul et sa région doit faire face à de nombreux pillages et violences. C’est l’arrivée de l’armée britannique qui permet aux habitants de retrouver quelques moments de « sérénité » pendant les quatre années d’occupation. La population doit alors fournir de quoi vivre à l’armée : les commerçants et artisans se remettent au travail, les tisserands et dentellières à leurs métiers ou carreaux.

 

Au lendemain de la guerre, des fonds sont recueillis à Paris grâce à l'organisation d'une exposition de peintres hollandais par M Loudon, ambassadeur des Pays-Bas à Paris. William Nelson Cromwell, philanthrope américain grand ami de la France et président d'honneur de la société Le Retour au Foyer, décide d'aider à relancer l'activité dentellière à Valenciennes et à Bailleul.

 

Pour permettre la subsistance de familles ouvrières par la vente de produits de qualité, le Retour au foyer réorganise dès 1919 l’enseignement de la dentelle aux fuseaux et sa commercialisation. L'objectif est de tout apprendre, depuis le dessin jusqu'à la réalisation de modèles qui séduisent une clientèle internationale. Rééquipées de matériel et de fil provenant d'Angleterre, les anciennes dentellières, précieuses détentrices du savoir-faire, étaient prêtes à travailler.

Une société de secours mutuels et des écoles sont ouvertes à Méteren, Saint Jans Cappel, Flêtre, Boeschèpe... et une école professionnelle construite à Bailleul.

En 1923, le maire Natalis Dumez se charge de l’achat d’un terrain pour que l’association puisse y faire construire l’école dentellière. Selon les plans de l’architecte Berlet, les travaux débutent en 1925. Parallèlement, Cromwell fait don à la ville de Bailleul d'une somme de 400 000 francs pour assurer l'entretien et le fonctionnement de l'école.

Réglement École de Charité dite des dentellières ©ArchivesVilleDeBailleul.jpg
5 classe dentellière - 22 décembre 1925 ©ArchivesVilleDeBailleul

L’on recrute Anne Comeyne, maîtresse dentellière diplômée de l’Ecole Normale de Dentelle de Bruges et la directrice Mademoiselle Deswarte. L'école bailleuloise participe alors à des concours internationaux : sa dentelle est réputée dans le monde entier. Les dentellières de Bailleul participent aux expositions de Bruxelles (1935) mais aussi de Paris en 1933 et 1936 : elles obtiennent trois titres de Meilleures Ouvrières de France.

Exposition Internationale ©ArchivesVilleDeBailleul

Le bâtiment est inauguré le 9 octobre 1927. Le Retour au foyer rétrocède ensuite l'école à la municipalité en 1935. Il est dissous au décès de M. Cromwell en 1948, qui lègue alors une somme de 500 000 francs « pour ne pas abandonner les dentellières » et ses collections de dentelles.

Yvonne Looten y enseigne alors à de nombreux élèves puis l'école est fermée en 1970. Elle rouvre ses portes en 1978, sous l’impulsion de la municipalité intéressée par ce patrimoine dentellier, qui sollicite l'aide de Me Looten qui, déjà âgée, transmet les bases de son savoir-faire et passe le flambeau à Marie Guffroy.

Aujourd’hui…

Ce savoir-faire est perpétué grâce à l’activité de l’école dentellière,

forte de près de cent cinquante élèves de toutes générations,

partageant ensemble une véritable passion,

sous la direction de Bibi (Brigitte Vitse) et Cath (Catherine Collie)

qui assurent la transmission de cet art.

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